Basketball féminin: les défis de la relève québécoise

equipe_saint-jerome
Association Basketball Saint-Jérôme

Depuis son invention aux États-Unis en 1891, le basketball est reconnu comme un sport accessible à tous et est aujourd’hui l’un des plus pratiqués sur la planète (et le troisième au Québec après le soccer et le hockey!). Il se joue partout dans le monde, dans les rues tout comme dans les cours d’école et gymnases, ainsi que lors de championnats scolaires ou professionnels. Qu’en est-il du développement du basketball féminin et des enjeux liés à la relève chez nous? Tour d’horizon de la question. 

Des entraîneures et des arbitres pour les équipes féminines 

«Nous sommes une petite fédération pour un nombre élevé d’athlètes, souligne d’entrée de jeu Daniel Grimard, directeur du développement de la pratique sportive pour Basketball Québec. Globalement, nous travaillons de la même façon pour le volet masculin et féminin, en ce qui a trait à la formation, au développement et à la structure. Mais nous portons une attention particulière à favoriser un environnement inclusif, à recruter et à former des entraîneures et des arbitres féminines pour encadrer les équipes de filles. Nous sommes continuellement en discussion ouverte avec l’organisme Égale Action pour améliorer nos pratiques.» 

Comme en témoigne le nombre croissant de participant·e·s dans les différents réseaux de compétition, la popularité du sport continue de grandir. Le nombre d'événements de compétition sanctionnés est aussi en hausse, tout comme la participation aux festivals et aux événements en 3 contre 3 au Québec.  

Malgré tout, Daniel Grimard fait mention de la proportion de filles versus celle des garçons qui a diminué au cours de la dernière décennie, passant de 45 pour 55 à 30 pour 70. «On a remarqué un changement dans l’offre : les filles et les femmes ont accès à un éventail élargi de sports et ont développé de l’intérêt pour d’autres activités, ce qui est une très bonne chose en soi, mais qui se répercute sur nos chiffres.» 

Des mesures pour attirer les filles au basket 

Du côté de la West Island's Lakers Basketball Association (WILBA), le président Anthony Metrakos souligne un ratio de 80% de garçons pour 20% de filles au cœur de ce club qui compte en moyenne de 800 à 900 jeunes athlètes annuellement. «Du côté féminin, le recrutement est un défi, avoue-t-il. Pour les filles, le sport est un événement avant tout social et l’esprit de communauté est très important. La jeune fille va souvent commencer le basket parce qu’une amie pratique déjà. Nous réfléchissons constamment pour trouver une façon de recruter les filles dans le programme récréatif car une fois dans le club, elles restent et évoluent avec nous. En essai cette année, la hauteur du panier passera de 10 pieds à 8,5 pieds pour les jeunes filles qui débutent. Une façon de rendre le sport plus accessible et d’augmenter la confiance en soi.» 

Anthony Metrakos remarque que les équipes féminines sont très soudées et que les modèles sont importants. Au niveau compétitif, les plus jeunes côtoient les plus âgées et une dynamique inspirante se crée.  

Un programme sport-études 100% féminin

«Nous sommes une région jeune en termes de basket et les entraîneur·e·s sont difficiles à trouver et à garder, souligne Jean-Philippe Boutet, coordonnateur et entraîneur-chef du programme sport-études à l’École polyvalente Saint-Jérôme (Association basketball Saint-Jérôme), seul programme de basketball 100% féminin au Québec. Nous avons pour objectif d’embaucher le plus de femmes possibles, mais je remarque que certaines d’entre elles craignent de faire ce choix à cause des horaires instables et dû au fait que la profession n’est pas assez reconnue et valorisée.» 

Présentement, quatre entraîneures sur 10 sont des femmes dans le programme et Jean-Philippe espère un jour passer le flambeau à une femme entraîneure-chef. 

«La formation est un défi, fait valoir Jean-Philippe. Je fais beaucoup de mentorat avec les entraîneur·e·s pour pousser plus loin la pédagogie.» 

Le programme porte toutefois fruit, les chiffres sont clairs: lorsqu’il a été créé il y a sept ans, 17 filles étaient inscrites. On en compte aujourd’hui 61! Pour 12 à 15 places en première secondaire, on recense une cinquantaine de demandes. Le programme peut maintenant se targuer d’avoir atteint la ligue provinciale Division 1 (la plus haute catégorie provinciale) pour les benjamins, cadettes et juvéniles, après seulement sept saisons d’existence, devenant le seul programme féminin de la Rive-Nord à offrir ces niveaux. 

Changement de mentalités

Pour répondre au sous-financement du sport, depuis les deux dernières années, Basketball Québec s’inspire des autres fédérations sportives pour graduellement mettre en place un modèle d’affiliation individuel qui n’existait pas jusqu’alors. «L’objectif est d’augmenter le revenu d’affiliation afin de soutenir la structure dans ses activités; les programmes sportifs, le développement des athlètes, et les ressources humaines.», explique Daniel Grimard, à la tête de l’organisation. 

Une autre grande fierté de la Fédération est sans conteste la création du Circuit Basketball Québec. Il y a sept ans, il était d’ailleurs destiné seulement au volet féminin. Il s’agit d’un rendez-vous pour toutes les organisations, scolaires et associatives, qui cherchent à disputer des matchs de haut niveau afin de se mesurer à des équipes venant de tout le Québec. Le système de promotion et relégation (processus dans lequel les équipes sont transférées entre plusieurs divisions en fonction de leurs performances au courant de la saison) met au défi les jeunes athlètes et leurs entraîneur·e·s tout au long de la saison. 

La disponibilité des plateaux : un réel enjeu

Un des enjeux importants, autant auprès des garçons que des filles, est sans conteste l’accès aux plateaux. Au Québec, comme les gymnases sont majoritairement dans les écoles et que de plus en plus de sports et d’activités parascolaires font des demandes de plages-horaires, l’accès aux plateaux est limité. Selon M. Grimard, la construction de gymnases doit venir des entreprises privées, ce qui, au Québec, n’est pas chose courante.  

«Nous devons parfois nous entraîner à l’extérieur de l’école et il y a des frais supplémentaires», explique Jean-Philippe Boutet. 

Attirer les jeunes et les encourager à persévérer 

Dans le but d’intéresser les filles en bas âge, l’Association basketball Saint-Jérôme offre un programme de mini-basket au primaire chapeauté par des participantes au sport-études.  

En plus de ce programme très populaire, l’Association multiplie les événements pour attirer et encourager les jeunes filles: camps de développement, journées portes ouvertes, visite des équipes universitaires, etc. 

Jean-Philippe remarque une grande remise en question pour plusieurs des filles lorsqu’elles arrivent en troisième secondaire. «On essaie du mieux qu’on peut de les orienter et de s’assurer qu’elles fassent un choix éclairé.» 

Les jeunes peuvent aussi compter sur la Jr. NBA pour s’initier. Ce programme national offre un programme de basketball de base pour les enfants de 5 à 12 ans en fournissant un environnement d'apprentissage amusant, actif et sain. 

Du côté de Basketball Québec, les réseaux sociaux permettent de mettre en valeur les bons coups et les victoires des équipes féminines pour permettre aux jeunes de s’identifier et d’avoir une vision à long terme des possibilités de cheminement. 

D’ailleurs, Basketball Québec a été l’hôte des Championnats Nationaux 15U et 17U féminins du 31 juillet au 6 août 2023 au sein de l’Université Bishop de Sherbrooke. On parle de 100 000 vues sur le web pour un total de 53 matchs. 

Des modèles inspirants 

Charlotte Lajoie, aujourd’hui capitaine de l’équipe cadette, a eu la chance de pratiquer le basket dès la 4e année du primaire. «C’est ma cousine qui m’a donné envie d’essayer. Je l’ai vue évoluer, c’était un beau modèle pour moi et dès que j’ai commencé à jouer, j’ai eu la piqûre.» 

Cette dernière espère devenir entraîneure dans le programme mini-basket au primaire pour partager sa passion. Même si elle commence sa troisième année du secondaire en septembre, elle pense déjà au programme collégial. 

Quand on lui demande ce qu’elle apprécie de ce programme 100 % féminin, Charlotte n’hésite pas une seconde: «Il y a un réel esprit de famille et on développe une belle complicité qui ne serait pas la même s’il y avait des gars. Je sens que je peux compter sur mes coéquipières.» 

Son entraîneure Richelle Grégoire est passée par là et n’est pas peu fière du chemin parcouru. Avant de se lancer dans le coaching, Richelle a connu une carrière fructueuse comme athlète. Elle a été une joueuse étoile pour les Blues du Collège Dawson au niveau collégial D1. Elle a ensuite porté les couleurs des Stingers de l’université Concordia (nomination sur l’équipe d’étoiles de sa conférence et mention «All-Canadian»). Depuis 2017, Richelle transmet sa passion du basket au sein du programme sport-études de la Polyvalente Saint-Jérôme. En 2021, elle a été nommée assistante-coach avec les Stingers. Lors de l’été 2022, elle a agi comme assistante avec l’équipe du Québec U17. 

«Ce n’est pas facile car il y a peu de ressources pour nous aider financièrement, souligne Richelle. Au niveaux collégial et universitaire, je n’avais pas le choix de travailler en même temps. Maintenant, en plus de coacher, je continue de jouer dans des ligues de garage car la passion ne m’a jamais quittée.» 

charlotte_et_richelle
Charlotte Lajoie et Richelle Grégoire

Sortir de l’ombre

Même si le basketball féminin est un sport olympique depuis 1976 et que les matchs de la WMBA (Women’s National Basketball Association) sont diffusés à la télévision depuis 2009, le sport masculin a encore beaucoup plus de visibilité. «On voit tranquillement arriver de beaux modèles féminins sur la scène médiatique et grâce aux médias sociaux, mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Le basketball féminin est souvent dans l’ombre du basket masculin.» 

Si les cheminements masculin et féminin sont très similaires dans ce sport, celles qui souhaitent jouer pro se tournent souvent vers l’Europe ou l’Amérique latine car il n’y a pas encore de ligue professionnelle féminine canadienne. «Bien sûr, il y a un système de recrutement au collégial et dans les équipes universitaires (cinq au total), mais l’entonnoir rapetisse rapidement», ajoute Jean-Philippe. 

Le recrutement et la rétention des jeunes filles, des entraîneures et des arbitres sont assurément des défis identifiés de tous, sans compter l’enjeu du sous-financement du sport. Les clubs, programmes sport-études et la fédération travaillent de concert, entre autres avec Égale Action, pour partager les bons coups et faire bouger les choses. Pendant ce temps, nos athlètes québécoises féminines brillent dans les tournois et inspirent sans conteste les plus jeunes. 

Cet article a été rédigé par


Articles et Outils

Voir tout